Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

daniel cunin - Page 3

  • Qui sème le vent, roman de Marieke Lucas Rijneveld

    Pin it!

     

     

    CARTE BLANCHE DONNÉE PAR LE MENSUEL LE MATRICULE DES ANGES À DANIEL CUNIN DANS LA CADRE DE LA RUBRIQUE « SUR QUEL TEXTE TRAVAILLEZ-VOUS ? »

     

     

     

    Qui sème le vent a paru en août 2020 aux éditions Buchet/Chastel. Il s’agit de la traduction du premier roman de Marieke Lucas Rijneveld, De avond is ongemak, jeune auteure des Pays-Bas dont on peut lire des poèmes dans notre langue, ainsi de « Caressons-nous les uns les autres » : Poésie néerlandaise contemporaine (Castor Astral, 2019). La transposition anglaise du livre publiée sous le titre The Discomfort of Evening (traduction de Michele Hutchinson) a remporté le 2020 International Booker Prize. Fin 2020, Marieke Lucas Rijneveld a donné un deuxième roman, Mijn lieve gunsteling, dont on peut lire en avant-première un chapitre sur le site des plats-pays.com.

     

    qui sème le vent,the discomfort of evening,buchetchastel,2020 international booker prize,marieke lucas rijneveld,le matricule des anges,daniel cunin

     

    Le champignon de fumée qui s’est élevé, début août, au-dessus du port de Beyrouth nous a rappelé celui d’Hiroshima, soixante-quinze ans plus tôt. Une fois l’origine probable de la catastrophe connue, nos mémoires se sont reportées sur la tragédie de l’usine AZF, survenue à Toulouse le 21 septembre 2001. Parmi les locaux alors touchés par le souffle de la déflagration, on a recensé ceux abritant les Presses universitaires de la Ville rose. Sous les débris et plâtras de leurs bureaux, une petite disquette noire s’est perdue, celle sur laquelle figurait le fichier de la version définitive d’une traduction que j’avais adressée peu avant à cet éditeur. Lequel a finalement imprimé, sans me consulter, sans prévenir l’auteur, une première mouture du texte et des index, le tout sous une couverture aux illustrations hors sujet pour certaines.

    Pourquoi évoquer cette péripétie malencontreuse ? Pour la simple raison que l’objet publié ne restitue pas toujours le travail effectué par le traducteur ou ne donne qu’une faible idée des embûches et autres aléas qui se dressent parfois devant lui, abstraction faite des seules difficultés lexicales et syntaxiques liées à l’original. Ainsi, il arrive qu’un éditeur publie un volume sans prendre la peine de nous soumettre le moindre jeu d’épreuves ; de plus en plus de maisons négligent le travail de relecture, certaines ne prenant pas même réellement la peine de reporter les corrections qu’on leur transmet.

    qui sème le vent,the discomfort of evening,buchetchastel,2020 international booker prize,marieke lucas rijneveld,le matricule des anges,daniel cuninÀ propos du premier roman de la jeune Marieke Lucas Rijneveld, De avond is ongemak (2018), paru en France sous le titre Qui sème le vent, le problème se situait en amont. En raison d’un manque de sérieux de deux ou trois collaborateurs de la maison néerlandaise pourtant d’excellente réputation, j’ai trébuché, en transposant le texte, sur maintes incohérences et inconséquences. Tandis que Michele Hutchinson, ma consœur anglaise, en relevait quelques dizaines, j’en ramassais une pleine brassée. Cela a supposé de notre part de réécrire certains passages, d’opérer moult retouches, de gommer bien des scories. Autrement dit, un tiers de notre énergie et de notre temps fut consacré, non à la traduction proprement dite, mais à un travail qui aurait dû revenir aux correcteurs et relecteurs bataves. Heureusement, Michele et moi avons eu le temps d’échanger au sujet de ces multiples écueils – y compris avec l’autrice et l’éditeur – avant que nos versions ne partent à l’impression. Depuis, l’original a été réimprimé après un sérieux toilettage.

     

    Malgré ces avatars du métier, Qui sème le vent se révèle être une première œuvre en prose marquante et forte. Plusieurs scènes resteront à jamais gravées dans l’esprit du lecteur, celles où des animaux connaissent un sort peu enviable, celles aussi où mort, sexualité et cruauté se rejoignent. Âmes sensibles, s’abstenir ! D’aucuns ne voient-ils d’ailleurs pas dans ce roman un excellent vomitif ? L’histoire se déroule pour l’essentiel vers l’an 2000, dans une ferme où une famille élève des vaches et produit des fromages. Un malheur la frappe peu avant Noël : l’aîné se noie alors qu’il patine sur un lac. Dès lors, la vie des parents et des trois autres enfants se fige sous la glace du chagrin et de l’incompréhension. Dans une veine d’une sombreur calviniste traversée d’éclairs d’hilarité, les deux années qui suivent le drame nous sont restituées par Parka, l’une des deux sœurs. Au seuil de l’adolescence, cette gamine, engoncée dans son malaise, perturbée par l’incapacité de ses parents à s’extirper de leur deuil et à deviner sa détresse, perçoit le réel de façon assez tronquée. De ce décalage émerge plus d’une situation soit sordide, soit loufoque. Pourquoi le prénom Parka ? Tout simplement parce la jeune narratrice ne quitte plus ce vêtement censé la protéger du monde extérieur et suppléer au défaut d’affection parentale : « Personne ne connaît mon cœur. Il est retranché derrière parka, épiderme et côtes. Dans le ventre de maman, mon cœur a été important pendant neuf mois, mais depuis qu’il en est sorti, plus personne ne se soucie de savoir s’il bat au bon rythme, personne ne prend peur quand il s’arrête quelques secondes ou quand il bat la chamade sous le coup d’une peur ou d’une tension. »

    qui sème le vent,the discomfort of evening,buchetchastel,2020 international booker prize,marieke lucas rijneveld,le matricule des anges,daniel cuninDans ses grandes poches, Parka accumule maintes babioles quand elle ne cache pas deux crapauds. Lesquels sont, au fond, ses deux interlocuteurs privilégiés, même s’il lui arrive aussi de s’entretenir avec sa petite sœur et leur grand frère sadique. Le roman est peuplé de mille autres animaux : vers de terre, asticots, poux, poussins, hamsters, chats, corneilles, coqs, lapins, taupes, poules, génisses, taureaux… La fréquentation durable ou éphémère de ces créatures se conjugue, chez Parka, avec une attention particulière accordée à certaines parties de leurs corps et, en parallèle, aux fonctions physiologiques du corps humain. Un intérêt qui revêt par moments une forme obsessionnelle, ce qui transparaît dans une tendance à l’automutilation, à la constipation ou encore dans des questionnements sur l’acte reproducteur. Marieke Lucas Rijneveld excelle dans l’art de tisser des associations d’idées, des plus saugrenues aux plus subtiles, de faire s’entrechoquer le beau et le laid, de lier les détails les plus futiles aux pires tourments de l’âme.

    Bien qu’elle ait signé deux recueils de poèmes, elle a décliné l’an passé l’invitation du Marché de la Poésie à Paris, préférant se consacrer à son deuxième roman. Pour la rédaction duquel son éditeur saura, sans doute aucun, un peu mieux l’accompagner. Malgré le succès remporté par le premier – traduit en une vingtaine de langues –, la jeune femme continue de travailler quelques jours par semaine dans une ferme, parmi les vaches.

     

    texte paru dans le n° 216 du Matricule des anges, septembre 2020, p. 11,

    écrit avant que le roman ne remporte le International Booker Prize 2020.

     


     

     

  • Table ronde sur la traduction

    Pin it!

     

     

     

    La traduction de témoignages liés à la Shoah

     

     

    symposium organisé par la Faculté de Lettres
     
    de l’Université de Gand
     
    28 novembre 2017
     
     

     


     

     

     

    Les ouvrages évoqués

     

    Hélène Berr, Journal, Tallandier, 2011, traduit en anglais par David Bellos.

    Georges Perec, W ou le Souvenir d’enfance, Denoël, 1975, traduit en anglais par David Bellos.

    Hélène Berr, Journal, Tallandier, 2011, traduit en néerlandais par Marianne Kaas.

    Fabrice Humbert, L’Origine de la violence, Le Passage, 2009, traduit en néerlandais par Marianne Kaas

    traduction,shoah,littérature,georges perec,hélène berr,fabrice humbert,carl friedman,harry mulisch,anne frank,etty hillsesum,evelien van leeuwen,philippe mechanicus,désirée schyns,david bellos,mireille cohendy,daniel cunin,marianne kaas,philippe noble,fabian gastellier,jean-claude dauphinCarl Friedman, Mon père couleur de nuit, traduit du néerlandais par Mireille Cohendy, Denoël, 2001.

    Harry Mulisch, L’Affaire 40/61, traduit du néerlandais par Mireille Cohendy, Gallimard, coll. « Arcades », 2003.

    Anne Frank, L’Intégrale, traduit du néerlandais par Philippe Noble et Isabelle Rosselin, Calmann Lévy, 2017.

    Etty Hillesum, Les Écrits. Journaux et lettres. 1941-1943, traduit du néerlandais par Philippe Noble et Isabelle Rosselin, Le Seuil, coll. « Opus », 2008.

    Evelien van Leeuwen, Modeste in memoriam. Souvenirs lointains, traduit du néerlandais par Daniel Cunin, Le Rocher, 2007.

    Philip Mechanicus, Cadavres en sursis. Journal du camp de Westerbork, traduit du néerlandais par Daniel Cunin, Notes de Nuit, 2016.

     

     

    Bande son du documentaire sur Philip Mechanicus

    réalisé par Fabian Gastellier - voix de Jean-Claude Dauphin
    podcast

     

    traduction,shoah,littérature,georges perec,hélène berr,fabrice humbert,carl friedman,harry mulisch,anne frank,etty hillsesum,evelien van leeuwen,philippe mechanicus,désirée schyns,david bellos,mireille cohendy,daniel cunin,marianne kaas,philippe noble,fabian gastellier,jean-claude dauphin

     

     

     

  • ‘Water naar de zee dragen is core business’

    Pin it!

     

     

     

    Un entretien avec W.J. Otten 

     

      

    À la suite d’un compte rendu sur le recueil d’essais Onze Lieve Vrouwe van de schemering: essays over poëzie, film en geloof, un entretien avec son auteur, l’écrivain néerlandais Willem Jan Otten, publié dans le périodique flamand De leeswolf, n° 4, 2010, p. 246-247. Deux romans de cet auteur sont disponibles en français : Un homme par ouï-dire (Les Allusifs) et La Mort sur le vif (Gallimard).

     

     

    Daniel Cunin: In Onze Lieve Vrouwe van de Schemering besteed je veel aandacht aan verschillende genres. Naast het werk van enkele dichters, denkers en regisseurs komen Harry Potter, De brief voor de koning en Geheimen van het Wilde Woud van jeugdschrijfster Tonke Dragt en een schets van een filmscenario aan bod. In de ‘Dankbetuiging’ schrijf je dat de stukken ‘niet chronologisch geordend zijn’. Welke logica zit achter de volgorde die je gekozen hebt?

    Willem Jan Otten, 2014

    willem jan otten,littérature,pays-bas,daniel cunin,entretien,catholicismeWillem Jan Otten: Eenzelfde logica als achter een dichtbundel – het boek moest een ‘doorlopende compositie van losse delen’ worden, zoiets als een ‘suite’. Alle stukken behalve één (het titelessay, dat ouder is) zijn de afgelopen tien jaren geschreven; vrijwel allemaal zijn ze voor het boek bewerkt. Hun raison d’être is het religieuze bestaansbesef dat mijn leven en werken sinds anderhalf decennium beheerst. Ik wilde het boek beginnen met gedenk over het geheugen, en het laten eindigen met een bericht uit mijn geloofspraktijk, in dagboekvorm. Alles bij elkaar is het een afdaling in mijzelf; de methode is dikwijls die van de herkenning: ik ben een lezer, een waarnemer, ik leer mijzelf kennen door de woorden, de (film)beelden en vooral de poëzie van anderen. Het hart van het boek zijn de Berlijnse Geloofsbrieven: vijf colleges die ik aan de Freie Universität Berlin heb gegeven over de inleving, in romans en in films. Er is geen betere manier om in je zelf af te dalen dan door de beweging ‘het personage in’ te maken – je in een personage in te leven. Ik vind dat raadselachtig: je leert je zelf kennen door met de ogen van een ander te kijken.

     

    DC: Waarom heb je (slechts) drie pagina’s van jouw essay Het wonder van de losse olifanten overgenomen?

     

    WJO: Het wonder van de losse olifanten (2000) was bedoeld als een beredeneerde geloofsbelijdenis. Ik heb het geschreven kort na mijn opname in de Kerk, het heeft als ondertitel: ‘Rede tot de verachters van de christelijke religie’. Zo heet een beschouwing van Schleiermacher, die ik overigens nooit helemaal uitgelezen heb, maar de titel was precies wat ik zocht.

    De apologie heeft zijn heilzaam werk gedaan, maar het verhaal van de losse olifanten wilde ik graag uit die wat apodictische context redden. Het vertelt eigenlijk hoe ik schrijver ben geworden, ofschoon ik nog geen acht was toen het wonder zich voltrok. Het wonder dat er in beschreven wordt, is om te beginnen een vorm van poëzie. En daar gaat het in het boek vaak over: het poëtisch domein loopt over in het religieus terrein.

    Waarmee ook gezegd zij dat Onze Lieve Vrouwe van de schemering geen apologetisch geschrift is geworden, al zie ik dat ik mijn enthousiasme voor het christelijk geloofsdepositum niet voor me kan houden. Ik hoop dat het me wordt vergeven; het heeft lang geduurd voor iemand weer eens van binnen uit en uit volle borst over de eucharistie schreef. En over het mysterieuze bidden. Ik wil naar vermogen mijn bijdrage geleverd hebben aan het herstel van het sacramentele/symbolische denken. Het Westen is wat dat betreft armetierig geworden – hoe rijker, hoe geestlozer.

     

    willem jan otten,littérature,pays-bas,daniel cunin,entretien,catholicismeDC: Waarom heb je een keuze gemaakt uit ‘dagboeknotities’ uit het jaar 2006 als slotstuk van het boek? Vormen ze het slot van jouw ‘boek over poëzie en geloof’?

     

    WJO: Ik wilde eindigen met het alledaagse leven – christendom is geen wijsgerige abstractie, geen esthetische constructie.

     

    DC: In hoeverre is jouw kijk op foto’s en filmbeelden veranderd in de loop der jaren? Je schrijft: ‘Beelden maken niet vrij – ze binden je, aan het zichtbare’. Hoe benader jij de kwestie van de idolatrie?

     

    WJO: De films die ik zoek, laten iets zien wat je niet kunt aanwijzen. Je kijkt, en natuurlijk is er sprake van beelden, maar ‘het’ is onzichtbaar. Niet te zien. Dit klinkt hinderlijk esoterisch, maar met de film erbij begrijpt iedereen wat je bedoelt. Je kijkt naar een vrouwengezicht, je weet dat ze net gehoord heeft dat haar geliefde gesneuveld is, en daarna zie je wat zij ziet: een ezelsveulen dat bij haar moeder drinkt. Je kunt filosoferen tot je een ons weegt, maar het beeld van het ezelsveulen is iets ánders dan wat je ‘ziet’. Maar zeggen dat je haar ‘verdriet ziet’, klopt ook niet. Je ziet dat juist niet. Enfin, dit houdt maar niet op me bezig te houden, en met de gedachten hierover kan ik soms hele dagen vullen.

    Eigenlijk sta ik nogal mozaïsch in het leven – van God krijg ik niet meer te zien dan de schaduw van een rug van een al voorbije schim. Maar die schaduw moet wel gefilmd worden, zonder beelden kun je niet laten zien dat er niets te zien is.

     

    DC: ‘Dragen’ is in jouw leven en werk een kernwoord geworden (‘Ik begin te begrijpen dat alles verdragen is’ staat er op p. 245). Heb je niet de indruk dat je met een stuk als ‘De opspringzin’ over ‘de roeping tot het dichterschap als tot profetendom’ van Ida Gerhardt bezig bent water naar de zee te dragen? Dat degenen ‘die het verlangen naar geloof afwijzen’, onontvankelijk en blind zijn door de ‘twee grote leerstukken’ die ze aanhangen (dood is dood en lijden, dat is pech hebben) en waarover je het in jouw bespiegeling over Willem Barnard hebt?

     

    willem jan otten,littérature,pays-bas,daniel cunin,entretien,catholicismeWJO: Water naar de zee dragen is de core business van een schrijver, daar hoef je niet speciaal christelijk voor te zijn. Maar tegen de hedendaagse obsessie met de dood ingaan, tegen het leerstuk van de maakbare dood, dat maakt al gauw een hele Jeremia van je. Ik hou van quichoteske schrijvers als Gerhardt en Barnard, die alles bij elkaar nogal monter zijn blijven volhouden dat zij liever dood zijn dan geloven dat de dood alles is. God is dood, en de dood wordt god, daar komt het momenteel op neer, we praten over bijna niets anders meer dan over hoe en wanneer we uit vrije wil zullen sterven. Hier valt dus een boel water naar de zee te dragen.

     

    DC: In jouw boek wijd je enkele pagina’s aan de dichter Chris J. van Geel (1917- 1974), die je ooit ‘de grootste levende Nederlandse dichter’ noemde, in de tijd dat je een ‘epigoon van hem was’. Hoe kijk je bijna veertig jaar later terug op je vroege werk? Op je werk vóór je doopsel?

     

    WJO: Ik ben als schrijver begonnen door Van Geel na te doen – iets wat ik iedere aankomende dichter als hij niet Rimbaud is nog altijd zou aanraden. Het probleem van dichter zijn is niet het beginnen, maar het doorgaan nadat je beseft hebt hoe epigonistisch je bent. Ik ben nu, tien jaar na mijn doop, in een fase waarin ik steeds meer oog krijg voor de continuïteit in mijn eigen werk: ik zie duidelijker dat ik, pakweg twintig jaar geleden, met veel gedichten om de leemte draalde waar God mooi in zou passen, om met Kellendonk te spreken. Eigenlijk is m’n verlangen nooit niet transcendent geweest.

    Ik ben me van kindsbeen bewust van een lezer. Ik stel me vaak voor dat ik, door te schrijven, gezien of gelezen wordt, door een bewustzijn. Vreemd genoeg is het juist de gedachte dat ik al gekend ben, dat mijn gedachten bij wijze van spreken al gelezen zijn voordat ze in me op zijn gekomen, die me aan het schrijven zet. Ik begrijp hier weinig van – waarom zou je je richten tot iemand die al weet wat je zeggen wil? Toch kan ik het speciale van poëzie (en van bidden) niet beter beschrijven dan zo.

    Er is hier, sinds mijn kerstening, geen verandering in gekomen, de gedachte aan de Lezer is alleen maar concreter, reëler geworden.

    Ik heb niet de illusie dat mijn poëzie hier beter van is geworden. Ik ben intensiever, gerichter gaan bidden, en doe dat bovendien ook nog bij voorkeur tijdens de roomse liturgie; tegelijkertijd is het ‘richtende’, met een onzichtbaar oor in gesprek zijnde karakter van mijn poëzie versterkt.

    willem jan otten,littérature,pays-bas,daniel cunin,entretien,catholicismeToch vraag ik me af wat ik, toen ik op mijn zesendertigste de Penelope-gedichten schreef, van de gedichten gevonden zou hebben die ik nu schrijf. Ik lees de Penelope’s nog wel eens voor, en het klinkt raar, maar bijna altijd denk ik: beter heb ik nooit gekund. Maar ‘het’ heb ik niet met ze gezegd. Daar gaan die gedichten ook over, ze zijn liefdespoëzie, de geliefde is de afwezige, zelfs al zit hij tegenover Penelope. Het was ‘missen op het eerste gezicht’.

    Misschien dat mijn zesendertigjarige zelf zou schrikken van mijn laatste reeks, ‘Het bloedend vermoeden’, waar ik momenteel een bundel van aan het maken ben. Van de directheid waarmee ik me tot een ‘u’ richt. Maar nu ben ‘jij’ niet Odysseus, maar God (die ik in m’n gedichten nooit bij naam noem), dat wil zeggen: ‘u’.

    ‘Hij mist dus nog altijd’ zal mijn zesendertigjarige zelf niettemin denken. We lijken hoe dan ook op elkaar.

     

    DC: Zouden we kunnen zeggen dat, in je ogen, de Bijbelse mythen de overhand hebben gekregen op de Griekse mythen?

     

    WJO: Het lijdensverhaal is anders dan, zeg, de mythe van Prometheus. Op het moment dat het lijdensverhaal je raakt, kan zich een soort virulente droefheid van je meester maken: het is mijn schuld dat hij gestorven is. En toch is hij voor mij gestorven. Hoe dol ik ook ben op de Griekse mythen (ik lees elk jaar eenmaal alle Metamorfosen), ze hebben nooit deze directe uitwerking op me gehad. Ik vind het rottig voor Prometheus dat hij aan de rots wordt geklonken en z’n ingewanden moet laten opvreten door gieren, maar hij heeft nu eenmaal het vuur gestolen, en dus zijn de goden boos. Ze zijn wreed, maar hebben gelijk. Zo is het eigenlijk altijd in Griekse mythen. De goden zijn boos op de mensen, want die willen als de goden zijn.

    Er is dus een kwalitatief verschil tussen het lijdensverhaal en om het even welke Griekse mythe.

    Uiteindelijk vind ik de Griekse mythen hooguit amusant, of, zoals in het geval van de Oedipus, gruwelijk ironisch, ‘op z’n Houellebecqs’ – maar niet, zoals het lijdensverhaal, verontrustend. Degene die zich Gods zoon noemt, is niet boos op de mensen. Hij wil, integendeel, door ze geloofd worden, liefgehad worden. Maar hij hangt.

    Het is fundamenteel andere koek, en ik vind het moeilijk om de kruisweg een ‘mythe’ te noemen. ‘Een mythe die echt gebeurd is’, noemt C.S. Lewis het. Hoe het ook zij, met de Griekse mythen kun je als dichter spelen, van Pasen raak je doortrokken. ‘Hij liep het christendom op zoals een ander een ziekte’, met ongeveer die woorden beschreef Graham Greene het verschil.

     

    DC: Hoe is het om een katholieke schrijver te zijn in een land zonder een sterke literaire katholieke traditie?

     

    willem jan otten,littérature,pays-bas,daniel cunin,entretien,catholicismeWJO: Ik zou mezelf geen ‘katholieke schrijver’ willen noemen, maar ‘een schrijver die katholiek is’. Om een katholieke schrijver te zijn, hoef je geen belijdend katholiek te zijn. In mijn ogen zijn Conny Palmen, A.F.Th. van der Heijden of Hans Maarten van den Brink katholieke schrijvers, dat is een nestgeurkwestie. Op eenzelfde wijze vond ik Hans van Mierlo een katholieke politicus, terwijl zijn inspanningen erop gericht waren om de christendemocratie uit te schakelen. Maar wat dat katholieke is? Je weet het pas als je er bijvoorbeeld gereformeerd tegenover stelt. Nicolaas Matsier vind ik, ondanks zijn atheisme, een gereformeerde schrijver.

    Ik kan het niet goed uitleggen, maar het feit dat ik in mijn (essayistische) werk probeer te vertellen wat het voor een ‘moderne intellectueel’ betekent om in de menswording te geloven, deel te nemen aan de liturgie en je leven geschraagd te weten door de sacramenten, maakt mij nog niet tot een katholiek auteur. Ik denk dat ik, als ik al wat ben op dit punt, een montessorischrijver ben. Maar dan dus wel een die katholiek geworden is.

    Er is geen sterke vaderlandse traditie van literatoren die (niet per se katholiek) openbaringsgeloof en moderniteit tot één leven denken. Vincent van Gogh, Gerard Reve, Willem Barnard en Frans Kellendonk (die desondanks bekende dat ‘het geloof hem niet deelachtig was geworden’) zijn bakens in deze. De twintigste-eeuwse schrijvers/denkers bij wie ik aanklamp, zijn internationaal: W.H. Auden, Georges Bernanos, T.S. Eliot, Graham Greene, Shuzaku Endo, C.S. Lewis, John Berryman, Les Murray. En er zijn natuurlijk filmmakers: Robert Bresson, Martin Scorcese, Paul Schrader, Lars von Trier.

    Er zijn er méér, en ze vormen tezamen een soort ketting, hoe groot de onderlinge verschillen ook zijn. Ze laten hun personages geloven, en proberen dat geloof van binnen uit mee te beleven. En ook de twijfel en de wanhoop worden in geloofstermen meebeleefd. Paradoxalerwijs besef je pas echt dat zij geloofsschrijvers zijn als er in hun werk existentieel getwijfeld wordt.

     

     

    Willem Jan Otten - VPRO Boeken 7 december 2014 met Wim Brands

     

     

     

     

  • Habitus

    Pin it!

     

     

    Le premier recueil de Radna Fabias

     

    Couv-Habitus.jpg

     

    Née en 1983 à Curaçao, dans les Caraïbes néerlandaises, où elle a d’ailleurs grandi, Radna Fabias publie son premier recueil Habitus en 2018 aux éditions De Arbeiderspers, œuvre qui fait tout de suite sensation et que viennent récompenser, tant aux Pays-Bas qu’en Flandre, plusieurs prix prestigieux. Du jamais vu. La traduction française de ce volume plein de verve a paru sous le même titre aux éditions Caractères à l’occasion du Marché de la Poésie 2019 auquel la jeune femme était conviée. Quelques-uns de ses poèmes figurent également dans deux anthologies récentes : Nunc (n° 47, printemps 2019, « Cahier Poésie néerlandaise ») et Poésie néerlandaise contemporaine (préface de Victor Schiferli, édition bilingue, Le Castor Astral, 2019).

     


    Radna Fabias lit le poème « oorlog » (guerre)

    à l’occasion de la Nuit de la Poésie (Utrecht, 28/09/2018)

     

     

    guerre

     

     

    avec mon ennemi je vole

    à vrai dire rien que de grandes organisations

    il me dit ce r au début de ton prénom n’est pas celui de robin des bois mais celui de r kelly

    à vrai dire ici tout le monde est majeur et je vole uniquement de grandes organisations

     

    mon ennemi ne croit pas en mon innocence

    puisque je vole avec lui du flatbread suédois dans un magasin de meubles

    il a sans aucun doute

    raison

     

    avec mon ennemi je partage une bouteille d’alcool sur la piste de danse titube

    dans la nuit regarde

    la mort mais plus encore la folie dans les yeux leur fais un clin d’œil

    à la mort la folie mon ennemi il a les plus beaux yeux

    du même marron que l’eau d’un chemin d’eau

    dans ces yeux je ne suis pas une belle personne

    à vrai dire tout le monde à l’air sale dans l’eau d’un chemin d’eau

    sur une échelle de 1 à 10

    il gratifie mon cul d’un 48

     

    avec mon ennemi je traîne sur les terrasses il inspire

    expire son gain de cause fictif mon ennemi vit déjà il n’a

    pas besoin d’oxygène quand personne ne le regarde il me glisse

    une paille dans la colonne vertébrale et me boit sans se presser

    se presser car mon ennemi me trouve délicieuse

     

    avec mon ennemi je cuisine des plats riches en glucides

    il empile fécule sur fécule car il en sait un rayon sur la guerre

     

    avec mon ennemi je me remets à danser jusqu’au petit jour

    déshydratée me rétablis me remémore comment

    souffrir une main dans le pantalon d’autrui et

    je fume je brûle je crache à nouveau projette avec mon ennemi

    des flammes sur sols lits chaises tabourets canapés

    contre placards portes murs sous l’œil vigilant

    des voisins d’en face sur le dos de femmes innocentes

    suspendue au-dessus de l’abîme bien entendu il le faut

    quand on couche avec l’ennemi

     

    c’est bien de dormir à côté de l’ennemi a pu dire une mère

    pourtant mieux vaut de loin dormir avec lui

    à ceci près que ça ne ressemble à rien car dans ce peu de lumière

    il n’a pas de visage sans compter que son ombre

    ressemble un peu à la mienne

     

     

     Radna Fabias au Marché de la Poésie 2019 (photo Anna V.)

    RadnaFabias-MdlP-2019.jpg

     

     

    Radna Fabias, Habitus, traduit du néerlandais par Daniel Cunin, Paris, Caractères, 2019,  118 p. 

     

     

     

     

     

  • Le contraire d’une personne

    Pin it!

     

     

     

    Dérèglements climatiques et psychiques

     

    le-contraire-d-une-personne-COUV.jpg

    Lieke Marsman, Le contraire d'une personne, trad. D. Cunin, Rue de l'échiquier, 2019.

     

    Jeune talent de la littérature des Pays-Bas, Lieke Marsman est née à Bois-le-Duc en 1990. Tout en étudiant la philosophie, elle commence à publier critiques et poèmes. Ses deux premiers recueils Wat ik mijzelf graag voorhoud (2011) et De eerste letter (2014) remportent un vif succès. Ils ont été réunis en 2017, en même temps que des pièces plus récentes, sous le titre Man met hoed (Homme au chapeau), volume qui comprend en outre diverses traductions de poètes anglo-saxons. La même année a paru son premier roman, Het tegenovergestelde van een mens, dont les éditions Rue de l’Échiquier viennent de nous donner la version française. Dans De volgende scan duurt 5 minuten (Le prochain scan prendra 5 minutes), un essai accompagné de dix poèmes, elle évoque le cancer osseux dont elle souffre en s’interrogeant sur la place d’un corps malade dans une société malade et en cernant les responsabilités qu’il convient à chacun d’assumer.

     

     

    Le mot de l’éditeur

     

    Lieke Marsman 

    LiekeMarsman.jpgIda a grandi aux Pays-Bas, dans une banlieue terne d’une ville moyenne de province. Après des études en sciences politiques, elle veut se rendre utile et choisit de devenir climatologue. Elle obtient un stage de quelques mois en Italie, dans un institut de recherches chargé de travailler sur la démolition d’un barrage dans les Alpes. Cette mission l’oblige à quitter les Pays-Bas et à laisser sur place Robin, sa petite amie.
    Au fil des pages, ses réflexions sur l’amour se mêlent à celles sur le réchauffement climatique, les deux étant intrinsèquement liées.
    Dans ce premier roman au style très audacieux, Lieke Marsman parvient, par l’utilisation de bribes, d’extraits, de citations et de vers de toutes sortes, à faire entrer le lecteur dans l’univers mental, chimérique et passionnant d’Ida. L’ensemble drôle et absurde, parfois noir, mais toujours très poétique, articule ainsi le registre intime et la question, habituellement traitée par la non-fiction, de notre apathie face aux enjeux posés par le changement climatique.

    « Un roman d’idées profond et poétique qui parvient à traiter la question du dérèglement climatique sur un registre intime. »

    « Une forme originale et audacieuse qui dépasse les limites du roman traditionnel en convoquant aussi bien la poésie, que l’aphorisme ou la philosophie. »

    « Porté par des phrases très douces et empreintes de sagesse entrecoupées de bouts d’essais et de poèmes, ce premier roman singulier et bref se lit vite, mais se décante longuement une fois qu'on l'a refermé. »

    « Un roman d’idées bien ficelé qui fait écho à ce que peuvent être nos propres positions face à l’effondrement d’un monde, et notre inaction. L’originalité de l’ouvrage est d’alterner le récit personnel d’Ida, ses réflexions et son parcours de vie, et des citations, des poésies ou des bribes d’interviews qui sont autant de lectures de l’héroïne. L’idole d’Ida est Naomi Klein : le roman est donc jalonné d’extrait de Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique comme autant de rappels de notre inaction face aux bouleversements du climat. Elle souhaiterait agir mais reste apathique face aux bouleversements en cours et la perspective d’une catastrophe emplit toute sa vie. »

     

    Un extrait

     

    LiekeMarsman-Couv-NL.jpg[…] À un moment donné, ma mère a dit que l’homme était mauvais jusqu’à la moelle, puis elle a coupé une grosse carotte en deux.

    Son assertion a fait grande impression sur moi : si chaque personne est mauvaise, et si moi j’entends être bonne, je n’ai d’autre choix que faire en sorte d’être le contraire d’une personne. Au cours de la période qui a suivi, je me suis consacrée à cette tâche principalement en m’exerçant à marcher sur les mains le plus longtemps possible. Dans le bac à sable de l’école, j’ai creusé, creusé un trou dans l’espoir d’apercevoir un bout de la Nouvelle-Zélande. Plus tard, à la veille du long tunnel de la puberté, j’ai pris les choses plus sérieusement en main, par exemple en parlant le moins possible des jours durant, alors même que je brûlais de proclamer mon opinion sur tout et n’importe quoi, ou en me contentant de répéter que tout me plaisait et que j’étais heureuse, alors même que le simple fait d’exister me plongeait dans la plus grande affliction – boutons sur la figure et autres désagréments de l’âge ingrat compris – ou pour le moins me rendait chroniquement grincheuse. Au cours de mes derniers mois en primaire, j’ai même essayé, de temps à autre, de me faire passer pour un garçon. Au gymnase, je me changeais certes dans le vestiaire des filles, mais je marchais en roulant un peu les mécaniques ; la nuit, je dormais en calant entre mes cuisses une quéquette que j’avais pris la peine de modeler. Jusqu’au matin où j’ai retrouvé mon organe viril au pied du lit, en trois morceaux.

      

    ManMetHoed-LiekeMarsman.jpg

     

    Le Contraire d’une personne s’ouvre sur un poème. D’autres, tirés du recueil Man met hoed (Homme au chapeau), viennent de paraître dans l’anthologie éditée par Le Castor Astral à l’occasion du Marché de la Poésie où la Hollande était le pays invité.

     

     

    Big Bang

     

     

    Le soir, à la télé, un physicien raconte

    qu’il est par ailleurs possible que l’univers arrête

    un jour de s’étendre, qu’il implosera lentement,

    plus rapidement que la lumière. Si tel est le cas

    des trillions d’univers pourraient surgir

    après nous, autrement dit on ne fait que se raccrocher

    aux branches basses d’un arbre généalogique

    de différents cosmos. Imaginez qu’on ne puisse

    se reproduire qu’en cessant d’exister.

     

    Le matin, quand au début d’une journée

    je vois comment je me suis remise

    à respirer, je compare ce va-et-vient d’étoiles

    projetées à mes seins qui montent

    et descendent, à l’antenne d’une

    radio que l’on peut par désœuvrement

    sortir et rentrer, et ensuite,

    jusqu’à présent ma tentative la plus réussie,

    à une anémone de mer.

     

     

    COUV-poesie-neerlandaise-BAT-pdf.jpg

    Poésie néerlandaise contemporaine, édition bilingue, Le Castor Astral, 2019